LE
PARTHÉNON
ET LE
GÉNIE GREC
PAR
ÉMILE BOUTMY
Membre de l'institut.
Directeur de l'École libre des Sciences politiques
ARMAND COLIN ET Cie, ÉDITEURS
Libraires de la Société des Gens de lettres
5, RUE DE MEZIÉRÈS 3
PARIS
1897
Tous droits réservés.
Стр.1
TABLES DES MATIÈRES
TABLES DES MATIÈRES....................................................... 1
PRÉFACE.................................................................................. 1
I .................................................................................. 2
II ................................................................................. 4
III................................................................................ 7
IV ............................................................................. 10
LE MILIEU PHYSIQUE ET MORAL................................... 14
VUES GÉNÉRALES.................................................... 14
I LA GÉOGRAPHIE................................................ 19
II LES RACES......................................................... 26
III LES FAITS EXCITATEURS............................. 37
IV L'APOGÉE.......................................................... 47
IDEALE ........................................................................ 54
I SIÈGE ET NATURE DE L'IDÉAL....................... 54
II CARACTÈRES GÉNÉRAUX DE LA
FORME.................................................................... 63
LES PRINCIPES PLASTIQUES.................................. 75
I LES SENS ............................................................. 75
II L'INTELLIGENCE.............................................. 94
LE TEMPLE ............................................................... 115
I CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES .................. 115
II LA DIVINITÉ, LE CULTE, L'IDOLE .............. 117
III L'ÉDIFICE........................................................ 124
1
Стр.2
Parthénon
PRÉFACE
I
commencement de l'année 18701. A peine venu au jour, il
disparut dans la rumeur et dans la fumée de l'invasion. L'auteur
lui-même oublia son œuvre; d'autres pensées et d'autres soins le
rendirent indifférent et comme étranger а un sujet qui l'avait
longtemps passionné. Le Parthénon ne peut se découper que sur
la profondeur d'un ciel clair; pendant plusieurs années, les
figures de la forteresse et de l'école se dressèrent seules devant
l'horizon gros de nuages.
Les pages qui suivent, relues après vingt-six ans, font
pour moi des
Ce petit volume a été publié pour la première fois au
revivre
années
de
encyclopédique, de foi imperturbable dans
Préface
jeunesse, de curiosité
la puissance de
l'analyse. C'était la première fois que je publiais un livre, c'està-dire
quelque chose d'un peu ample et de composé. Avant de
publier une œuvre littéraire, il faut la concevoir et l'écrire, et
cette opération est accompagnée d'impressions et d'émotions
trop vives pour que le souveuir s'en efface. Écrire un livre est
en quelque mesure un acte involontaire. On ne prend pas un
sujet, c'est bien souvent le sujet qui nous prend, on en est
possédé et comme halluciné; il tire а lui toutes nos pensées. On
le porte en soi pendant des mois ou des années, et c'est comme
une gestation maternelle après le viril et impétueux délire; on le
sent croître et on a la conscience mystérieuse d'un travail dans
la nuit, œuvre spontanée qui domine et enveloppe l'œuvre con
sciente. Peu а peu se dégage une certaine manière de regarder
les choses, qui découpe et délimite le sujet et en fait comme un
tableau dans son cadre; on voit
surgir
les deux ou trois
hypothèses ou partis pris dont le penseur a besoin pour se
guider dans la recherche et l'analyse; les faits resteraient dans
un éternel chaos s'ils ne rencontraient un guide et comme un
chef dans une certaine idée qui n'est pas née d'eux, puisqu'elle
1Sous le titre: Philosophie de l'architecture en Grèce.
2
Стр.3
Parthénon
ils
se groupent, ils
Préface
les précède et leur commande, mais de la spontanéité de l'esprit.
Autour de cette idée,
s'agglutinent, se
distribuent dans un certain ordre, et, par là, c'est elle qui décide
virtuellement des conclusions de l'ouvrage. Il y a ainsi une dose
d'à priori dans toute œuvre un peu originale. Toutes ces forces,
maîtresses, une fois en action et en jeu, que de choses encore!
C'est l'entraînement d'une lecture effrénée qui ne con naît ni
satiété ni mesure, qui ne s'arrête point aux limites des genres, et
fait son bien de tout ce qu'elle rencontre. Ce sont des notations
qu'on aligne а l'infini, sans savoir d'abord lesquelles entreront
dans
la cons
truction,
lesquelles, matériaux délaissés,
continueront de joncher le sol а pied d'oeuvre. Ce sont ces mille
et mille impressions qu'on ne note pas: les un es montent et se
résolvent en jugements précis et lucides; les autres retombent et
semblent s'évanouir, mais en fait se survivent dans ces instincts
vagues et sûrs, dans ces sortes de divinations qui ont l'air d'être
un don naturel, mais en réalité sont de l'acquis et comme de la
poussière d'expérience. L'esprit y puise des raisons de décider
très fortes et
petits pour être aperçus
très impérieuses, mais formées d'éléments trop
et discernés. Tout ce travail, si
intéressant а suivre dans les œuvres supérieures, quand on a la
chance d'en découvrir la trace, se retrouve sur une moindre
échelle dans l'oeuvre la plus humble, pourvu qu'elle ait été
conçue avec sérieux et sincérité.
Le charme de ces souvenirs, brusquement réveillés
long intervalle, ne m'a pas
après un si
aveuglé sur
les
nombreuses et trop visibles imperfections de ce travail. Je ne
me suis pas dissimulé notamment ce qu'il y a parfois de trop
subtil dans l'analyse, de trop tendu dans le raisonnement, de
trop tranché dans les divisions, de trop constamment imaginatif
dans les dessous du style abstrait. J'ai été sensible а la gaucherie
qui vient de ce que j'ai voulu toutes les transitions apparentes,
toute l'ossature logique du style saillante et palpable. Je n'ai pu
méconnaître que j'avais fait quelque abus de la notion de race.
Si
je n'ai pas entrepris de faire disparaître des défauts si
clairement aperçus, c'est que le cas est très rare où un auteur
peut corriger heureusement ou même impu nément une œuvre
depuis longtemps sortie de ses mains. Tant que l'auteur vit dans
son œuvre, ou plutôt que son œuvre vit en lui, tant que son
3
Стр.4
Parthénon
Préface
imagination et sa sensibilité se ramifient dans chaque phrase,
pour ainsi dire, en fibres délicates et vulnérables, il n'a pas le
reculé ni la demi-indifférence nécessaires pour voir juste et
pour bien juger. Et quand il cesse d'être trop près, on peut
presque dire qu'il est déjà trop loin. L'inspiration originale perd
très vite sa plénitude et sa fraîcheur; or, il n'y a que cette
inspiration qui puisse régénérer du dedans en quelque sorte les
parties а refaire et les animer de la même vie que tout le reste.
Tous les changements de détail qu'on opère du dehors et après
coup peuvent paraître d'un bon effet а l'instant et а 1'en droit où
on les introduit; а la fin et dans l'ensemble on s'aperçoit qu'ils
engendrent l'incohérence et le disparate. Ajouterai-je qu'un livre
écrit avec conviction et avec quelque feu porte en lui-même un
principe de correction de ses erreurs? La candeur de ses
exagérations, la sincérité de ses partis pris font que rien n'en
échappe au lecteur, en sorte que celui-ci se trouve dûment averti
et n'a pas de doutes sur le sens et le degré des atténuations а
opérer. Que si l'auteur entreprenait de corriger а fond un texte
auquel il est devenu presque étranger, il n'y réussirait qu'à demi,
juste assez peut-être pour que le lecteur ne sût plus cette fois а
quoi il a affaire et n'eût plus de règle simple et facile pour
ramener les choses au point. En somme, un livre est une chose
qui a vécu. I1 a une date, un âge et le tempérament de cet âge. Il
n'y faut faire que des changements qui ne risquent pas d'effacer
ou de rendre incertains ces attributs de la personnalité et de la
vie. Une correction et une tenue presque irréprochables — le
mot ne veut nullement dire parfaites — ne compensent pas plus
pour un ouvrage littéraire que pour un homme une diminution
de l'ingénuité
l'individualité.
et de l'élan, de la physionomie et de
II
Puisque j'ai commencé sur le ton qu'on prend quand on
cause avec soi-même et qu'on pense tout haut, on m'excusera de
prolonger la fiction d'un lecteur indulgent et de donner place ici
а quelques remarques sur la méthode que j'ai suivie et sur les
limites où j'ai renfermé mon sujet.
La méthode est celle que Taine a magistralement
4
Стр.5